Innovation Managériale et transformation des organisations, 23 juin 2020
On associe souvent l’idée de l’innovation avec de nouveaux produits, de nouvelles applications technologiques ou avec la création de nouveaux modèles d’affaires comme on le voit actuellement dans le contexte de la crise du COVID 19.
L’innovation peut aussi être de nature organisationnelle, sociale et managériale nous permettant d’ouvrir de nouvelles perspectives, de nouveaux champs des possibles au niveau de nos modes d’organisation, de structuration et de gestion. Quels apprentissages pourrions-nous tirer de l’expérience québécoise en cette matière ?
A l’aide de brèves illustrations de cas d’entreprises provenant des secteurs privé et public, le webinaire sera l’occasion d’aborder les points suivants :
- L’innovation managériale en soutien au développement de capacités stratégiques : les cas Cascades, Ubisoft Montréal, Banque Nationale du Canada, milieu de la santé et … HEC Montréal
- L’innovation managériale, une réponse collective à des problèmes complexes : le cas des plateformes Middleground
- L’innovation managériale pour gérer le dilemme Exploitation / Exploration : le cas du CHU Ste-Justine
- L’innovation managériale, l’importance de la capacité à changer du dirigeant et de son équipe de direction : le cas du Groupement des chefs d’entreprises du Québec
Notre intervenant
Réal JACOB est professeur honoraire à HEC Montréal où il a exercé les fonctions de professeur titulaire, de directeur de la valorisation des connaissances et de l’Executive Education, de directeur du département de management et de directeur du Change Management Mindset au EMBA McGill-HEC Montréal.
A HEC, il a piloté la création d’une dizaine de centres de transfert université-entreprises notamment dans les domaines de l’innovation, de l’entrepreneuriat, de la gestion de la santé, de la gestion de l’énergie et de la transformation des organisations.
Auteur de plusieurs publications sur les thèmes de la transformation des organisations, de la gestion en mode transversal et collaboratif, de l’organisation réseau, de la gestion des connaissances, de l’innovation collaborative et du métier de dirigeant, il a prononcé plus de 600 conférences professionnelles.
Il collabore avec le Cercle des présidents du Québec, le Groupement des chefs d’entreprises du Québec et le réseau de dirigeants IDE. Il est aussi membre du jury «PDG de l’année»
Les Affaires. Il a auparavant été titulaire-adjoint de la Chaire Bombardier Produits récréatifs.
Récipiendaire du Prix d’excellence canadien Leaders in Management Education, il a reçu le prix carrière Innovation et Transfert 2012 du CEFRIO.
En 2015, il rejoint la liste des Citations Classics de la revue Journal of Knowledge Management et se voit décerner, par HEC Montréal, les prix Esdras-Minville (Rayonnement universitaire et professionnel) et Roger-Charbonneau (Livre d'affaires de l'année pour «Paroles de PDG»).
Le professeur Jacob participe aux activités du KCO depuis sa création.
L’innovation managériale : un processus co-construit avec les acteurs de l’entreprise
La définition donnée par Réal Jacob de l’innovation managériale est la mise en place de pratiques, de processus, de structures de management totalement différents des normes habituelles.
On peut noter que cette mise en place ne peut pas se réaliser uniquement au niveau du manager ou de la structure hiérarchique de l’entreprise. Cette innovation managériale est un processus d’apprentissage collaboratif, co-construit avec les acteurs de l’entreprise. Tous les cas présentés par Réal Jacob en témoignent.
L’innovation managériale collaborative : un dispositif pour manager autrement avec les communautés
Aujourd’hui, l’innovation managériale est un véritable dispositif soutenu par les entreprises qui ont besoin de manager autrement avec de nouvelles formes organisationnelles pour se différencier de leurs concurrents, s’adapter aux évolutions de leur environnement et surtout conserver leurs salariés créatifs, passionnés et qui veulent apporter leur contribution au développement de leur entreprise.
La pandémie du Covid 19 a donné le jour à plusieurs dispositifs d’innovations managériales collaboratives dans divers domaines : consortium d'entreprises pour gérer et sauvegarder ce bien commun qu’est notre santé, aide aux soignants, soutien aux familles... Dans ce contexte de crise sanitaire et sociale, la résilience des entreprises a reposé sur leur aptitude à mobiliser et valoriser l’"intelligence humaine", disponible au sein de leur organisation.
Les différents cas présentés par Réal Jacob illustrent bien que de tels dispositifs reposent sur la mise en réseau de savoirs expérientiels, tacites des acteurs de l’entreprise à travers l’émergence de communautés de pratiques ou de relations entre différentes communautés.
Ainsi, l’innovation managériale repose sur l’émergence de différentes formes de communautés ou d’espaces qui agissent comme de véritables vecteurs d’apprentissage et de partage de connaissances au sein des organisations.
Dans les cas présentés par Réal Jacob, celui des pôles d’expertise de Mosaic HEC Montréal, met en présence des professeurs qui se retrouvent dans des espaces communs non pas autour de leur discipline (finance, marketing, ressources humaines) mais autour de leur passion commune (santé, gestion des hommes, entrepreneuriat, gestion de l’énergie, innovation et créativité…).
Le cas sur la chaine de vie à l’hôpital permet d’allier les connaissances des praticiens issus de domaines différents (infirmiers, travailleurs sociaux, psychologues, médecins spécialistes) avec leurs rôles dans la même chaine de valeur (prévenir, guérir et soutenir) : Rassemblés au sein de communautés de pratiques, ils disposent ainsi d’un espace favorable pour co-construire la trajectoire de soins.
A travers ces cas, il est important d’aborder la grande difficulté pour les entreprises d’exploiter et d’intégrer ces connaissances tacites, ce capital humain, ce savoir expérientiel dans leur processus d’innovation. De nombreux freins à l’innovation managériale collaborative peuvent être relevés comme le manque de ressources et de temps dans l’entreprise. L’innovation managériale et la transformation des organisations demandent effectivement du temps pour la mise en œuvre tout comme l’apprentissage culturel de nouveaux milieux organisés (communautés, espaces, tiers lieux…) au sein de la structure formelle.
Cette conférence soulève une question : comment les organisations peuvent-elles soutenir l’innovation managériale collaborative ?
Le 1er levier est d’instaurer des mécanismes de soutien au niveau de la structure formelle : l’innovation managériale collaborative doit être soutenue et légitimée par un sponsor, animée par un leader (animateur) et accompagnée pour permettre l’appropriation opérationnelle.
Le 2ème levier est de soutenir l’émergence d’espaces intermédiaires de socialisation favorables à l’innovation (middleground interne), au sein de l’entreprise via plusieurs leviers :
Un/des lieu(x) favorable(s) à l’innovation au sein de l’entreprise (exemple : café créatif)
Des espaces cognitifs (plateforme cognitive pour partager les connaissances…)
Des projets
Des événements internes ou externes.
L’exemple d’Ubisoft illustre l’importance et le mode de fonctionnement de tels « middlegrounds internes ». Chez Ubisoft, des communautés de spécialistes ont émergé pour soutenir les activités d’exploration et pour faciliter l’intégration des connaissances produites, par la structure formelle. Ce middleground interne permet de socialiser, partager des savoirs tacites, inventer de nouvelles pratiques, et générer beaucoup d’idées.
Ces communautés sont de véritables espaces d’échange pour incuber l’innovation managériale et s’assurer que les idées incubées sont exploitées. L’entreprise soutient l’organisation de divers évènements pour faire vivre ces communautés :
des évènements internes : tous les vendredis les spécialistes d’Ubisoft se retrouvent pour échanger leurs savoirs tacites de manière informelle autour d’une bière.
des événements ouverts aux acteurs externes qui rassemblent des experts de l’entreprise, des créateurs de jeux vidéo de la ville de Montréal, leurs fournisseurs ou partenaires.
Structures de transfert pour intégrer les productions des communautés et des espaces favorables à l’innovation :
Cependant, si l’on veut que les productions des activités d’exploration soient exploitées, des structures intermédiaires avec des personnes de l’entreprise qui ont des rôles formels de transfert doivent être mises en place. (Par exemple : la structure de transfert au sein de l’hôpital Sainte Justine à Montréal).
Un manager ambidextre?
Tout cela nous engage à réfléchir à la position au sein d’une entreprise d’un manager (et d’une équipe de direction) ambidextre qui arrive à la fois à différencier les activités d’exploration et les activités d’exploitation mais aussi à intégrer les connaissances produites par les communautés dans son processus d’innovation.
L'exploration et l'exploitation sont nécessaires au succès et à la survie à long terme des entreprises. Il est difficile de mener à bien ces deux activités au sein d'une seule organisation. L'essentiel du dilemme posé par la nécessité d'explorer et d'exploiter simultanément est que ces activités reposent sur des logiques, des horizons temporels, des structures et des ressources différents.
Les communautés soutiennent les activités d’exploration et sont un moyen pour les différencier des activités d’exploitation. Cependant, elles ne sont pas suffisantes pour que la structure formelle puisse exploiter leurs productions.
Des structures intermédiaires semi-formelles sont utiles pour
La différentiation car elles protègent, légitiment et alimentent en ressources la communauté
L’intégration car elles font le lien avec la structure formelle en traduisant les contributions de la communauté pour la direction et en les testant auprès des opérationnels.
Pour aller plus loin
La stratégie des pôles de transfert d'HEC Montréal
Innovation managériale et transformation des organisations Novembre 2019
Innovation managériale et transformation des organisations Juin 2020
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