Comment favoriser l’innovation collaborative avec les communautés et les espaces créatifs ?
La communauté KCO rassemble des praticiens et des chercheurs qui explorent et exploitent le rôle joué par les communautés dans le développement des organisations. Nous croyons en l'hybridation des pratiques professionnelles et des connaissances théoriques pour stimuler le partage des pratiques et l'innovation collaborative.
Le Symposium KCO est ouvert à la fois aux chercheurs et aux praticiens. Nous acceptons des contributions en anglais ou en français mais les présentations sont en français.
3 types de contributions sont possibles :
• Papiers de recherche aboutis
• Études de cas
• Papiers de recherche en cours
Contexte
Au cours des dernières années, les chefs d'entreprise ont conduit leurs organisations à travers de multiples crises : la crise COVID-19, les pénuries de main-d'œuvre, les chocs financiers, les événements météorologiques ... Les perturbations économiques, sociales et géopolitiques exigent des changements dans les processus de prise de décision et d'innovation afin de répondre aux besoins immédiats. Dans ce contexte, les communautés et les espaces créatifs se sont révélés essentiels pour favoriser la résilience collective et innover grâce à plusieurs initiatives créatives. Par exemple, le ministère américain de la défense a encouragé les ingénieurs de communautés dispersées à soumettre leurs idées dans le cadre du Hack-a-Vent Innovation Challenge afin de développer des ventilateurs innovants. De même, la Fondation de l'Hôpital Général de Montréal et l'Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill ont soutenu le Code Life Ventilator Challenge pour la conception de ventilateurs d'urgence. En France, les collectifs Makers - "Makers for Life" - et French Fablabs ont rassemblé des organisations publiques et privées (universités, hôpitaux, start-ups, entreprises privées) pour développer des masques, des gels et des respirateurs.
Le concept de communautés de connaissances fait référence au vaste ensemble de réseaux informels créatifs qui interagissent et échangent des connaissances de manière répétée afin de soutenir les processus dynamiques de création et d'innovation (Amin & Roberts, 2008 ; Cohendet et al., 2008). Ces groupes informels sont constitués d'individus désireux de produire et de mutualiser de nouvelles connaissances en connectant des personnes appartenant à des entités différentes (David & Foray, 2003, Goglio-Primard et al., 2017). Leurs propriétés soulignent leur dimension sociale : l'engagement volontaire à échanger et à partager des connaissances et des bonnes pratiques communes ; une identité commune construite sur leur pratique et leurs échanges répétés ; le respect de normes sociales spécifiques (Wenger, 1998 ; Cohendet et al., 2008). Par leurs interactions, les membres des communautés développent des valeurs et des modes de fonctionnement spécifiques qui encouragent la créativité et l'innovation. Après être apparue pour étudier l'apprentissage entre individus via les travaux pionniers de Wenger (1998), la notion de CoP a été appliquée à des contextes professionnels dans les années 1990, pour expliquer l'apprentissage et le partage des connaissances au travail (Lave & Wenger, 1991 ; Orr 1996 ; Brown & Duguid, 1991 ; Lindkvist 2005 ; Haas, 1992). D’autres types de communautés sont ensuite apparus dans la littérature : communauté de marque, communauté d’utilisateurs, communauté d’innovation, dont les dynamiques d’apprentissage soutiennent également les processus d'innovation des entreprises (Sarazin, Cohendet & Simon, 2017).
Ces communautés jouent un rôle actif dans le processus d’innovation : capitalisation des bonnes pratiques, résolution de problèmes ou développement de nouvelles idées (Cohendet et al., 2006, Goglio-Primard & Soulier, 2018, Crespin-Mazet et al., 2019). Elles ont un effet de levier sur la création de valeur (Wenger, 1998, Wenger et al., 2011 ; 2014) et la performance au sein des entreprises. Leur rôle apparaît encore plus essentiel en temps de crise, pour apporter des réponses rapides à des problématiques complexes, favoriser la résilience collective et l’innovation collaborative.
Le terme « innovation collaborative » désigne ici une stratégie, des activités ou des processus d'innovation qui tirent parti de l'expertise des acteurs internes et externes d'une organisation pour créer des améliorations commerciales et un apprentissage durable (Kodama, 2015). Les organisations s'engagent dans l'innovation collaborative pour générer de nouvelles idées, connaissances, technologies, ainsi que pour capturer des connaissances externes, les intégrer et les transformer en compétences dans le but ultime de créer des solutions innovantes pour relever les grands défis technologiques, sociaux et écologiques. Ces capacités rajeunissent la créativité de leurs équipes et accélèrent l'innovation.
Souvent, elles émergent et se développent dans des environnements propices à l'innovation tels que les clusters, les espaces de co-working, les communautés de connaissance (communautés de pratique, communautés d'innovation, communautés d'utilisateurs) et les territoires créatifs. Ces environnements forment des "espaces créatifs intermédiaires" qui servent d'interfaces entre les individus créatifs et les organisations formelles, améliorant l'échange d'idées et de connaissances au sein des organisations et entre elles, favorisant la collaboration entre divers acteurs et facilitant la résolution de problèmes innovants au-delà des cadres établis (Yström & Agogué, 2020, Carton et al., 2021 ; Merindol et Versailles, 2023). Ces espaces créatifs se caractérisent par leur diversité, leur émergence spontanée, leur récurrence et leur capacité à relier différentes cultures et logiques (Ollila & Yström, 2020). Dans ces espaces, la collaboration multi-acteurs pour l'innovation nécessite d'identifier les acteurs clés, d'établir la confiance, de développer les compétences de collaboration et de gérer les attentes (Yström & Agogué, 2020 ; Merindol et al. 2021). Ces espaces constituent aussi de formidables vecteurs de développement des communs de l’innovation pour lesquels les communautés occupent un rôle pivot (Cohendet, 2022). Ces espaces accélèrent ainsi les processus d'innovation des entreprises en leur donnant accès à des acteurs innovants, en soutenant de nouveaux partenariats et en augmentant leur créativité (Cohendet & Zapata, 2009). En cultivant des communautés et en intégrant des espaces créatifs dans les processus d'innovation existants, les organisations peuvent exploiter plus efficacement leurs ressources internes et externes et acquérir de nouvelles capacités d'innovation.
L'une des principales questions de recherche liées au développement de l'innovation collaborative concerne les processus sociaux permettant de franchir les frontières géographiques, culturelles ou organisationnelles entre divers individus et organisations. Les communautés ont été identifiées comme des véhicules efficaces pour soutenir de tels processus s’appuyant sur divers processus de frontière (Wenger, 2014, 2020) mais également de plus en plus fréquemment sur des plateformes numériques pour faciliter les échanges ainsi que la génération et le stockage d'idées. L'utilisation de ces plateformes soulève des questions sur l'architecture, la gouvernance, la virtualité et les aspects transnationaux nécessaires à l'innovation collaborative (Diniz, Siqueira, & van Heck, 2019). Récemment, l'émergence rapide de l'IA générative a ouvert de nouvelles possibilités pour la traduction automatique et l'analyse de contenu, en particulier pour faciliter et soutenir les conversations entre les membres, améliorer la créativité (Jia, Luo, Fang, & Liao, 2022), et identifier les perspectives, les idées et les connaissances développées au sein des communautés d'innovation (Coombes & Jones, 2020).
Au niveau des processus de frontière, l’intégration des connaissances des communautés repose souvent sur des acteurs frontières qui participent simultanément à plusieurs communautés et utilisent cette position pour transférer les connaissances d'une communauté à l'autre. Ces acteurs frontières peuvent également se situer à la périphérie d'une communauté (Wenger, 1998). Au sein d’une organisation, ils peuvent ainsi faciliter la diffusion de nouvelles connaissances auprès des décideurs de l’entreprise. Il peut également s’agir de courtiers en connaissances, dont le rôle est de "permettre à d'autres organisations d'innover" (Winch et Courtney, 2007, p. 751) et de développer l'accès ou la confiance entre deux parties (Marsden, 1982). Par exemple, la littérature sur l'innovation ouverte identifie le travail frontalier clé joué par les individus (Obstfeld, 2005) ou les intermédiaires organisationnels dans l'innovation tels que les entreprises KIBS (Knowledge Intensive Business Services) qui innovent pour le compte de leurs clients par le biais de relations de coopération et de confiance.
Dans ce travail de frontière, la littérature communautaire souligne également le rôle central joué par la dyade leader-sponsor, avec un sponsor chargé de valider la valeur ajoutée des communautés pour l'entreprise, et un leader chargé d'orchestrer les activités de la communauté (McDermott & Archibald, 2010 ; Probst & Borzillo, 2008 ; Bootz et al. 2022, Wenger et al., 2002). Enfin, des contributions récentes mettent en évidence le rôle des structures frontières internes dans l'alignement des résultats des communautés sur la stratégie de l'entreprise et dans la négociation de leur acceptation par les cadres supérieurs. Leur rôle va au-delà d'un simple processus de diffusion et comprend la combinaison et l'adaptation des logiques managériales et communautaires tout en préservant l'autonomie et le fonctionnement interne des communautés (Goglio et al., 2023 ; Crespin-Mazet et al., 2023 ; Bootz & Lièvre, 2023).
L'objectif de ce symposium est d'accroître nos connaissances sur le rôle des espaces créatifs et des communautés de connaissances dans l'émergence et le développement de l'innovation collaborative (Parmentier & Mangematin, 2014 ; Goglio-Primard & Crespin-Mazet, 2015, Goglio et al. 2023).
Thèmes de recherche :
Cet appel à contributions se concentre sur le rôle joué par tous les types d'espaces communautaires et créatifs dans l'innovation collaborative. Les contributions à ce numéro spécial peuvent inclure, mais ne sont pas limitées à :
Communautés et innovation collaborative
• Comment les communautés de connaissance (communautés internes, externes) peuventelles favoriser l'innovation collaborative ?
• Comment créer et animer une communauté, avec des experts, des clients et des utilisateurs pour soutenir l'innovation collaborative ?
• Quels sont les arrangements organisationnels mis au point par diverses communautés pour innover en collaboration ?
• Quels sont les mécanismes de gestion (leviers organisationnels) qui soutiennent le développement de pratiques d'innovation collaborative au sein des communautés de connaissance ?
• Comment développer les interactions entre les structures formelles et les communautés de savoir à des fins d'innovation ?
• Comment passer de la production d'idées et de connaissances à leur intégration dans le processus d'innovation de l'organisation ?
• Quels sont les effets des plateformes communautaires sur l'innovation collaborative ?
• Comment l'intelligence artificielle peut-elle aider à développer l'innovation collaborative dans les plateformes communautaires ?
• Quel est l'effet de la virtualisation des communautés sur l'innovation collaborative ?
Espaces créatifs, relations frontalières et innovation collaborative
• Qu'est-ce qui rend un espace créatif propice à l'innovation collaborative ?
• Quels rôles jouent les espaces créatifs dans le développement de l'innovation collaborative, à chaque étape du processus d'innovation ?
• Quelles sont les modalités pour faire émerger des communautés au sein des espaces créatifs ?
• Comment organiser les espaces créatifs pour soutenir le travail créatif des communautés ?
• Quel rôle des espaces créatifs pour assurer la durabilité des communautés ?
• Quel est le rôle des acteurs limitrophes et/ou des intermédiaires de l'innovation dans le transfert de connaissances d'une communauté à l'autre ?
Co-présidents du comité scientifique :
Sabine Carton, Professeur, Université de Grenoble
Guy Parmentier, Professeur, Université de Grenoble
Isabelle Corbett-Etchevers, Professeur, Université de Grenoble
Karine Goglio, Professeur Senior, Kedge Business School Toulon
Florence Crespin-Mazet, Professeur Senior, Kedge Business School Toulon
Jean-Philippe Bootz, Professeur, EM Strasbourg
Luciana Castro Gonçalves, Professeur, IRG/ ESIEE Paris - Université Gustave Eiffel
Valérie Mérindol, Professeur, Paris Business School, chaire new PIC
Marion Neukam, Professeur Associé, Université de Strasbourg
Claude Guittard, Professeur Associé, Université de Strasbourg
Laurent Simon, Professeur, Mosaic HEC Montréal
Patrick Cohendet, Professeur, Mosaic HEC Montréal
Réal Jacob, Professeur, Mosaic HEC Montréal
Eddie Soulier, Professeur, Université de Technologie de Troyes
Comité d’organisation : Guy Parmentier, Sabine Carton, Isabelle Corbett-Etchevers et Karine Goglio
Date limite de soumission des contributions :
Tous les auteurs doivent soumettre leurs contributions à Guy Parmentier à l’adresse chaire-inno@grenoble-iae.fr pour le 2 mars 2024 :
• Pour les papiers aboutis : un papier complet de 10000 mots maximum.
• Pour les études de cas : un résumé d’une page en suivant le template suivant :
-Titre de l’étude de cas
-Contexte
-Problématique managériale ou objectifs -Points clés du cas (storytelling) -Enseignements : ce qu’il faut retenir
• Pour les papiers de recherche en cours : un papier entre 5000 et 7000 mots maximum qui sera présenté lors du symposium sous le format poster.
Frais d'inscription au symposium KCO :
- Professeurs, professionnels : 500 euros
- Etudiants et doctorants : 250 euros
Adhésion à la Communauté KCO :
-Professeurs, chercheurs, doctorants : 100 euros
Références
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